Avatāra


« Les jours pairs, je me dis qu’en fin de compte je vais acheter une île. Déserte. Je vais prendre tous les autistes de la terre, et je vais les emmener avec moi. Loin des sociétés. Des soi-disants êtres humains. Qui ne se sont jamais donné la peine de leur faire une place. De s’occuper d’eux. D’en prendre soin. De les aimer comme des êtres humains.
Je les prendrai tous, et ensemble, entre eux, et près de moi, nous vivrons comme vivent les gens. Ils seront enfin des êtres humains.

Les jours impairs, je me dis que non. »

Il y a quelqu’un là-dedans, Howard Buten

“ Avatāra, अवतार, en sanskrit « descente ». Incarnation de divinités sur Terre pour sauver les humains de leurs démesures. Excroissances, sensibilités plus qu’humaines, hybrides de dons extraordinaires et de décadences incroyables. “

Camille Durand-Tovar

Avatāra est un projet réalisé dans le cadre du programme Transat des Ateliers Médicis soutenu par le Ministère de la Culture – Été culturel – monté par Camille Durand-Tovar, artiste-autrice et directrice de La Faide, compagnie de théâtre audonienne (93400). en collaboration avec Tom Enfant Phare, association d'éducation populaire qui lutte contre les discriminations liées au handicap à Agen (47000), du 7 août au 15 septembre 2023.

BUT(S) ET MODALITÉS
Une immersion de 6 semaines de Camille Durand-Tovar au sein de la structure codirigée par Magali Cazin et Marine Rebaudi pour qu’elles se sensibilisent ensemble à des domaines qui leurs sont lointains, qu’elles utilisent des compétences qui ne sont pas leur expertise première, et qu’elles co-produisent une lecture nouvelle, percutante et poétique sur le handicap.

Pour Magali, Marine, Laurine, Séverine et les accompagnateurices, il s’agit d'accueillir une artiste dans leurs problématiques, leur fonctionnement, au jour le jour, dans les locaux, en sorties, aux réunions des parents mobilisés, à tous les événements portés par l’association, pour que Camille puisse se rendre compte du spectre entier du handicap et que, par ses outils à elle (théâtre, écriture, imagination) elle crée à destination du large public. Il s’agit aussi d’apporter un bien-être à ces enfants marginalisés et ghettoïsés, qui ne peuvent pas ”soi-disant” pratiquer l’art.

Pour Camille il s’agit d’une recherche chorégraphique sur les corporalités atypiques - entendue au sens du geste, du comportement, de la sensibilité et de l’expressivité non verbale des enfants autistes de la structure - dans le cadre d’un atelier de 3H/semaine avec un groupe récurrent. Parallèlement, il s’agit aussi de participer en tant qu'observatrice à la vie de l’association.

L’ARTISTIQUE ET LE POLITIQUE
D’une part l’atelier d’expressivité corporelle. Le travail sur les musiques composées par Lenny Szpira, compositeur de La Faide, pour le premier spectacle de la compagnie, Good Bye Marioupol. Travail d’écoute des sons blancs, interférences, mélodies vertigineuses… le pouvoir de la musique de Lenny est fort sur les autistes. À cette sensibilité musicale, Camille répond par une approche organique. Déplacer les stéréotypies en inversant le centre de gravité. Poser les mains au sol, pousser sur cette musculation fragile, se mettre littéralement la tête à l‘envers, découvrir l’équilibre, assouplir son bassin, marcher sur les mains... Portage et lévitation, découvrir un nouveau point de vue surplombant, ouvrir l’horizon du regard de l’enfant… Imiter ses stéréotypies, copier impeccablement son geste dans sa qualité et son rythme, se changer en reflet de lui-même, et le voir se rendre compte de ce miroir troublant, puis gagner son contact visuel… Créer un lien affectif fort au fur et à mesure des séances, gage de confiance et de pas gagnés pour l’enfant, son épanouissement, la reconnaissance de lui-même, ses efforts et ses victoires.

D’autre part, ces 6 semaines sont l’occasion privilégiée de se plonger dans les méandres sinueux d’une administration compliquée, d’un corps social malade dans son acceptation de l’autre, des souffrances des familles qui portent seules leurs enfants à bout de bras, et des causes justes défendues par Tom Enfant Phare :
« Pour nous une société dite « inclusive » s’adapte aux différences de la personne, va au-devant de ses besoins afin de lui donner toutes les chances de réussite dans la vie. L’inclusion exige donc, pour s’appliquer entièrement, la mobilisation et la volonté collectives des acteurs, politique et économique afin de repenser leurs modes de réflexion et d’organisation pour l’intégration des personnes les plus fragiles. Une société est inclusive lorsqu’elle porte un respect et une attention égale à tous les citoyens. »

Tom Enfant Phare

Chaque atelier et moment de vie de l’association est filmé par Camille et donne lieu à un “carnet de bord de résidence” mis à disposition de Tom Enfant Phare, de La Faide et des Ateliers Médicis. Ce film sans prétention reflète le désir qui est né durant ces 6 semaines de développer la rencontre de ces femmes artistes et aidantes - comme une histoire d’amour qui commence. Elles veulent réaliser un double projet collaboratif plus vaste, profond et ambitieux.
Les deux axes ainsi dessinés au cours de la résidence - d’une part le travail artistique avec les enfants, d’autre part le film reportage - vont s’approfondir en deux objets poétiques et militants :
La participation des enfants autistes de la structure en tant que comédiens amateurs dans le deuxième spectacle de la compagnie, La division des mines. Faire théâtre avec, au plateau, enfants autistes et comédiens professionnels.
Un film fiction militant au sein des locaux de Tom Enfant Phare sur le vécu des familles avec enfants handicapés, joué par des acteurs et réalisé par La Faide, à partir des témoignages et récoltes que Camille continuera à faire à Tom Enfant Phare.
Pour ce faire, la sollicitation de soutien et d’aide à l’ARS et à la DRAC Nouvelle-Aquitaine est en cours pour la saison 2024. Plusieurs partenaires sont rassemblés (IME, compagnies et festival de Nouvelle-Aquitaine, professionnels du cinéma de la région et d’Ile-de-France, théâtres, mairies, mécènes…).