La crise sanitaire que nous traversons touche particulièrement la vie artistique et culturelle et le monde de la santé qui sont au cœur des missions du Pôle Culture et Santé.
À l’heure du confinement, nous nous sommes demandés comment continuer à faire notre travail, à relier les uns avec les autres, comment continuer à faire relation alors que nous ne pouvons sortir de chez nous, que nous ne pouvons plus aller travailler, nous réunir, nous rencontrer, partager, échanger, débattre…
Autrement dit, comment continuer à faire humanité ensemble à l’heure du confinement ?
Nous pouvons, comme beaucoup, ressentir cette sensation d’inutilité, d’illégitimité à prendre la parole, à nous exprimer pour mettre en lien des professionnels de la santé, des arts et de la culture qui vivent des situations extrêmement difficiles.
Et pourtant, tous les soirs à nos fenêtres, à nos balcons, nous entendons depuis plus de quinze jours, des applaudissements, de la musique, du théâtre, des mots, de la poésie,… des expressions artistiques libres, sans calcul, sans préméditation, à destination de celles et ceux qui soignent, qui accompagnent, qui sont au front chaque jour.
Comment ne pas voir dans ce rituel symbolique ce qui nous anime profondément au quotidien ?
Ici, il n’est plus question de multiplier les actes de soin pour la rentabilité d’un hôpital, ni de divertir les foules pour recevoir un (maigre) cachet en fin de mois. Les rôles fonctionnels des soignants et des artistes s’effacent pour laisser place à l’essentiel : un relation qui s’établit malgré la distance entre des personnes libres et dignes, apportant chacune, avec leur moyens, leur contribution au vouloir vivre ensemble et faire, malgré tout, humanité ensemble. Les soignants ont su dire combien ces manifestations sensibles leur étaient précieuses pour poursuivre leurs missions de soigner et rendre autant qu’il est possible leur autonomie et leur dignité aux personnes malades. Une manière émouvante de nous faire «ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité», pour reprendre les mots d’Edgar Morin.
Certains diront que ces applaudissements, que ces expressions artistiques : «On pourrait s’en passer, ça ne soignera pas les malades, ça ne soulagera pas les services de réanimation».
Nous dirons plutôt que c’est précisément quand la réalité nous empêchent de faire relation, qu’il est essentiel de tout faire pour résister et faire signe d’empathie et d’estime à ceux qui mettent leur énergie à maintenir la vie. La relation sensible n’est pas secondaire, elle n’est pas exceptionnelle. C’est l’expression la plus sûre de faire resurgir notre humanité commune, en refusant de subir le poids des fonctionnalités si avides de réduire l’humanité à une suite de calculs de coûts et d’avantages.
Aujourd’hui sur nos balcons, à nos fenêtres, nous nous demandons : et demain ? Comment perpétuer ces relations d’humanité qui s’expriment librement et dignement ? Comme éviter de revenir à un système basé sur l’unique fonctionnalité des soignants et sur «l’utilité sociale» des artistes ? Comment sortir des évaluations chiffrées, des appels d’offre ? Comment construire des politiques publiques attentives aux personnes, soucieuses des valeurs d’humanité ?
Continuer à concevoir des projets Culture et Santé qui vont dans ce sens pour éloigner après la crise la tentation d’en minimiser la portée, comme s’il s’agissait de cerises sur un gâteau. Réclamons nous de cette réflexion de Pierre Desproges pour qui «le superflu n’est inutile qu’à ceux dont le nécessaire est suffisant».
Défendre le rôle essentiel des coopérations Culture et Santé prend tout son sens dans un système où le «prendre soin» des personnes deviendrait le nouvel horizon de notre richesse commune.
C’est la responsabilité collective du Pôle Culture et Santé.
L’équipe du Pôle C&S